Boucher a peint ce tableau avec de la peinture à l’huile appliquée sur un support composé de fibres de lin tissées en armature toile — La plus simple, la plus ancienne et la plus utilisée des armatures jusqu’à nos jours. Une lisière, c’est-à-dire l’un des deux bords longitudinaux délimitant la largeur maximale de l’étoffe, est encore visible près de la bande de tension sur la gauche du cadre au revers du tableau. La toile d’origine a été renforcée par une seconde lors d’une opération de restauration appelée « rentoilage ».
La toile brute a été tendue et clouée sur un châssis avant d’être apprêtée. Elle fut déclouée lors de travaux de restauration puis remise en place en conservant le format d’origine, comme en attestent d’une part les guirlandes de tension — déformations de la toile en forme de vagues à l’emplacement des clous —, d’autre part la limite bien distincte de la peinture sur les bandes de tension.
Cette coupe transversale met en évidence les différentes couches picturales. L’apprêt se compose de deux couches rouges (1 et 2) et d’une couche grise (3) composée de fines particules de pigments noirs et blancs. Quant à la couche de peinture discernable sur l’échantillon choisi, elle se compose du bleu du ciel (4) et du vernis à la résine (5) appliqué lorsque le tableau fut terminé.
Les artistes des XVIIe et XVIIIe siècles affectionnaient l’apprêt en deux couleurs, se conformant ainsi aux recommandations d’ouvrages de l’époque. Le Dictionnaire portatif de peinture de Dom Antoine-Joseph Pernety par exemple, publié à Paris en 1757, conseille d’appliquer tout d’abord sur la toile une couche d’apprêt à l’huile rouge-brun, puis un second apprêt gris, toujours à l’huile, composé de céruse et d’un peu de noir de fumée. En cas de besoin, ce gris pouvait également être utilisé lors de la réalisation du tableau proprement dit, notamment pour figurer des ombres.
En peinture, un repentir (pentimento en italien) est une modification de la composition apportée par l’artiste lorsqu’il peignait le tableau. La réflectographie révèle que Boucher a remanié la tête de l’angelot, plus grosse dans un premier temps, ainsi que la position des ailes, la droite étant déployée à l’origine.
On distingue un autre repentir sur le dos de la bergère en train de lire. La lumière rasante — éclairage latéral puissant — y met en évidence des différences de niveau en forme de boucles, sans qu’on puisse toutefois déterminer s’il s’agit là de plis de la robe ou de boucles de cheveux.
La palette utilisée sur ce tableau est dominée par des couleurs de base appliquées de manière à former des contrastes. Conformément aux canons de la peinture académique du XVIIIe siècle, ces couleurs sont le rouge vermillon, la terre rouge, le jaune de Naples, la céruse, l’ocre jaune et le bleu de Prusse. Le contour du visage et des mains a été souligné d’un fin trait de pinceau rouge-brun qui vient compléter la carnation par une ombre.
Le tableau donne à voir la touche rapide, efficace et bien assurée de Boucher, ainsi que sa manière d’appliquer les couleurs d’une façon légère en suivant des formes. L’œuvre a été réalisée selon la technique dite alla prima qui consiste à peindre « dans le frais ». On remarque sur la toison des brebis que les touches de pinceau ont permis d’en rendre la structure.
Boucher a terminé le tableau en appliquant des touches lumineuses et de couleur, comme on peut le voir sur les reflets de la boucle d’oreille et le rouge vermillon des lèvres de la bergère qui tient un livre en mains.
Comme sur de nombreux autres vieux tableaux, les pigments se sont ici altérés au fil des ans. Les peintres ont l’habitude de réaliser les tons verts en mélangeant du jaune et du bleu, mais le pigment naturel jaune utilisé jusqu’au XIXe siècle n’était pas résistant à la lumière et avait donc tendance à se décolorer avec le temps. Avec pour résultat que, sur nombre de tableaux anciens, les feuillages ont aujourd’hui une teinte bleuâtre ou brunâtre. On peut dès lors supposer que les arbres qu’on aperçoit à l’arrière-plan sur ce tableau de Boucher étaient bel et bien verts à l’origine.
La robe bleu clair de la bergère est taillée dans un tissu changeant, probablement de la soie. On distingue encore des particules roses, mais les tons rose-violet tendant vers le bleu ont disparu, vraisemblablement à cause d’une décoloration de la laque rouge.
Boucher a signé ce couple de tableaux avec de la peinture noire appliquée à l’aide d’un petit pinceau rond, sa signature apparaissant sur une pierre du décor sur chacune des deux pastorales. La date indiquée (1790) est toutefois troublante, d’autant plus que des lettres d’époque ainsi que le pendant de cette toile, intitulé Berger et bergère, sont datés de 1760. Une inscription de la date a posteriori est toutefois exclue car la craquelure de teinte claire discernable sur la signature prouve que l’artiste a bien daté son œuvre alors que la peinture n’était pas encore sèche.