31. Oct. 2015 –
31. Jan. 2016
Je suis là !
De Rembrandt au selfie
L’exposition présente un vaste panorama d’autoportraits d’artistes réalisés à l’aide de différentes techniques sur une période de six siècles.
De Rembrandt
au selfie
L’autoportrait occupe une place de choix dans l’histoire de l’art européen. Depuis la Renaissance — si ce n’est même avant —, les artistes affectionnent de se mettre en scène et donner une image d’eux-mêmes. L’exposition « Je suis là ! De Rembrandt au selfie » présente un vaste panorama d’autoportraits d’artistes réalisés à l’aide de différentes techniques sur une période de six siècles. Ce genre est toujours d’actualité, comme le confirment les innombrables selfies postés sur les réseaux sociaux.
L’exposition évoque les différentes approches de l’autoportrait : affirmation de soi à la Renaissance, mise en scène fulgurante à l’époque baroque, subjectivité toute en nuances des Romantiques, regard de plus en plus impitoyable des artistes modernes sur eux-mêmes, quête obsessionnelle du moi dans les photos et vidéos contemporaines. Une centaine d’œuvres en provenance de trois grands musées européens, le Musée des Beaux-arts (Lyon), les National Galleries of Scotland (Édimbourg) et la Staatliche Kunsthalle (Karlsruhe), se complètent pour illustrer les différentes facettes de la production des artistes français, britanniques et allemands.
Réalisée dans le cadre du projet Je suis là . Visages européens bénéficiant du soutien de l’Union européenne, l’exposition rassemble des œuvres de nombreux artistes, notamment Palma Vecchio, Gustave Courbet, Anselm Feuerbach, Ernst Ludwig Kirchner, Henri Matisse, Max Beckmann, Andy Warhol, Marina Abramović et Tracey Emin. Elle sera ultérieurement présentée à Lyon puis Édimbourg.
L’exposition se complète par une œuvre interactive intitulée « Flick_EU / Flick_EU MIRROR ». Conçue par le Centre d’art et de technologie des médias de Karlsruhe (ZKM), cette œuvre invite les visiteurs de l’exposition à se regarder dans un « miroir magique ». La Junge Kunsthalle s’intéresse par ailleurs aux selfies, ces autoportraits virtuels idéalisés qui suscitent actuellement un véritable engouement.
Autoportraits
De Rembrandt au selfie
25 mars – 26 juin 2016, Musée des Beaux-Arts de Lyon
Véritable genre artistique, l’autoportrait apporte, au-delà des questions de style propres à chaque époque, de nombreuses informations sur la personnalité de son auteur, ainsi que sur son environnement historique et social. À une époque où la pratique du « selfie », rendue possible par le développement massif durant ces dernières années de l’usage des smartphones à travers le monde, est devenue un véritable phénomène de société caractéristique de l’ère du digital, questionner la tradition et les usages de l’autoportrait semble plus que jamais d’actualité.
L’exposition rassemble plus de cent-trente œuvres – peintures, dessins, estampes, photographies, ainsi que sculptures et vidéos – appartenant aux riches collections des trois institutions, complétées par quelques prêts provenant de collectionneurs privés lyonnais et, pour la partie contemporaine, du Zentrum für Kunst und Medien de Karlsruhe, ainsi que du Musée d’art contemporain de Lyon. Son propos, dont le cadre chronologique s’étend de la Renaissance au XXIe siècle, est d’interroger la pratique de l’autoportrait par les artistes en tentant de dresser une typologie et en mettant en lumière les questionnements portés par ce genre spécifique. Il s’agit de s’intéresser en particulier aux formes les plus diverses prises par celui-ci, jusqu’aux autoportraits mis en scène, utilisés dans d’autres types de compositions ou simplement allusifs. Un accent particulier est mis sur les productions des scènes artistiques allemandes, écossaises et lyonnaises.
Les sections de l’exposition
L’exposition s’articule ainsi en sept sections thématiques, interrogeant les grandes typologies de l’autoportrait et leurs évolutions au fil du temps : le regard de l’artiste, l’artiste en homme du monde, l’artiste au travail, l’artiste et ses proches, l’artiste mis en scène, l’artiste dans son temps et le corps de l’artiste. Elle s’accompagne de la publication d’un catalogue scientifique édité en français, en anglais et en allemand.
Les visiteurs invités à créer leurs autoportraits
Une attention spécifique est portée sur l’offre à l’attention des publics par l’intermédiaire de nombreuses propositions originales, ainsi que sur l’inscription de ce projet à l’ère du numérique. En collaboration avec le Zentrum für Kunst und Medien de Karlsruhe, institution reconnue internationalement pour la valorisation de ce champ artistique, une installation est présente pour inviter les visiteurs à réaliser leur propre autoportrait, tandis qu’une composition créera un gigantesque portrait aléatoire formé par la combinaison de toutes ces images. Vous êtes invités à poursuivre cette expérience en ligne et sur les réseaux sociaux en envoyant vos portraits et selfies avec le #selfie_mba_lyon sur le compte Instagram du musée #mba_lyon et sur Twitter @mbalyon.
Et moi, et moi, et moi !
À destination des groupes scolaires à partir de 11 ans (collège), cette visite accompagnée permet de découvrir l’exposition. Elle est proposée sur réservation pendant toute la durée de l’exposition. Elle bénéficie de la salle de médiation, située dans l’exposition et permet aux élèves de voir les productions issues de divers ateliers, ainsi que du dispositif proposé par le ZKM.
Pour les plus jeunes, en dehors du temps scolaire (pendant les vacances ou les vendredis après-midi), des visites-ateliers inviteront à une approche active et ludique de l’exposition.
Pour les adolescents à partir de 14 ans, des ateliers animés par de jeunes artistes des 3 pays partenaires ont lieu au musée en mai, dans nos ateliers et dans l’exposition. Les participants seront sélectionnés à partir d’un concours de selfie. Pour participer, envoyez vos selfies jusqu’au 1er mai avec le #selfie_mba_lyon sur Instagram #mba_lyon et sur Twitter @mbalyon en précisant que vous concourrez pour les ateliers des 14 et 15 mai. Les réalisations des participants seront ensuite présentées dans la salle de médiation, accessible au public et aux groupes.
Facing the World
Autoportraits de Rembrandt à Ai Weiwei
16.07.2016 – 16.10.2016, National Galleries of Scotland Edinburgh
L’exposition Facing the World: Autoportraits de Rembrandt à Ai Weiwei proposée par la Scottish National Portrait Gallery sera consacrée à la fascination des artistes pour eux-mêmes et proposera un vaste panorama des autoportraits sur une période allant du XVIe siècle à l’époque actuelle.
Cette exposition soulignera la richesse des collections de trois grands musées européens : la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe, le Musée des Beaux-Arts de Lyon et les National Galleries of Scotland d’Édimbourg. Elle rassemblera une sélection impressionnante d’environ 140 œuvres réalisées ces six derniers siècles en utilisant des techniques aussi variées que le dessin, l’estampe, la peinture, la photo, la vidéo et les réseaux sociaux.
On y verra notamment l’un des plus célèbres autoportraits de Rembrandt (celui qu’il peignit à l’âge de cinquante-et-un ans), ainsi que des œuvres remarquables dues à Simon Vouet, Allan Ramsay, Hyacinthe Rigaud, David Wilkie, Gustave Courbet, Edvard Munch, Paul Klee, Andy Warhol, Marina Abramović, Douglas Gordon, Sarah Lucas et Annie Lennox. Elle présentera aussi des œuvres méconnues du public britannique, telles que les superbes autoportraits du futuriste italien Gino Severini ou de l’expressionniste allemand Ernst Ludwig Kirchner.
Gageons que cette exposition internationale ambitieuse sera une source d’inspiration à une époque qui accorde une importance particulière à l’identité et à la manière dont chacun de nous se présente aux autres. « Facing the World » inclura également des installations interactives qui permettront aux visiteurs de faire des autoportraits ultérieurement utilisés pour composer une œuvre numérique en constante évolution.
FLICK_EU projet d’art | Coopération avec le ZKM
Le site FLICK_EU est un bel exemple du potentiel démocratique des nouveaux médias : tous les visiteurs de l’exposition sont invités à faire des autoportraits puis à les exposer au musée et à les mettre en ligne. Une galerie de portraits européens se constitue ainsi progressivement sur la plate-forme interactive FLICK_EU dans le cadre de l’exposition présentée à Karlsruhe, Lyon et Édimbourg.
FLICK_EU
Peter Weibel (né à Odessa en 1944), Matthias Gommel (né à Leonberg en 1970)
FLICK_EU, 2007/2015
Installation interactive avec cabine photographique, ordinateur et quatre écrans
Cette installation permet aux visiteurs de faire des autoportraits venant enrichir l’exposition. Lorsqu’on introduit une pièce dans l’appareil, il fait une photo d’identité conventionnelle qui est d’une part imprimée et éjectée, d’autre part numérisée et publiée sur Internet. Dans les locaux de la Kunsthalle, la photo peut être affichée sur un écran ou projetée en grand. Comme il s’agit d’une image numérique, elle peut bien évidemment être vue en divers endroits simultanément. Les portraits faits à l’exposition de Karlsruhe sont ainsi visibles non seulement sur place, mais aussi à Lyon et Édimbourg, de sorte que les visiteurs de la Kunsthalle sont virtuellement présents dans les deux autres musées participant au projet. L’installation FLICK_EU est une réflexion artistique sur la fonction du portrait à l’époque des médias numériques. De plus, elle génère une communauté car les visiteurs de l’exposition de Karlsruhe peuvent, comme indiqué précédemment, être virtuellement présents dans des musées implantés dans d’autres villes. L’installation reproduit ainsi en miniature la communauté européenne.
FLICK_EU MIRROR
Bernd Lintermann (né à Düsseldorf en 1967), Joachim Tesch (né à Münsingen en 1969)
FLICK_EU MIRROR
Installation interactive basée sur l’installation FLICK_EU de Peter Weibel et Matthias Gommel
Cette installation utilise les portraits générés par FLICK_EU. Le visiteur voit tout d’abord sa propre image, prise en direct par une caméra vidéo et projetée sur un écran. Dans un second temps, la caméra fait un zoom avant et le visiteur constate que les pixels de son portrait sont en fait des photos d’autres visiteurs provenant de l’installation FLICK_EU — L’autoportrait se révèle alors être une mosaïque composée d’une multitude de portraits différents. Pour peu que le visiteur ait auparavant participé à l’installation FLICK_EU, il est possible qu’il retrouve son propre portrait parmi les photos agrandies. Après quelques minutes, l’écran affiche à nouveau le portrait du visiteur en question, qui s’individualise ainsi parmi la communauté des participants à l’installation.
Tweetup #Iamhere
Un second tweetup a permis de visiter en direct l’exposition Je suis là ! De Rembrandt au selfie. Cette manifestation organisée par la Kunsthalle de Karlsruhe et le réseau culturel Kulturkonsorten était relayée par les deux musées participant à l’exposition trinationale : Musée des Beaux-Arts de Lyon et National Galleries of Scotland d’Édimbourg. Le tweetup a permis l’interconnexion numérique du public des trois pays.
Le projet
L’exposition Je suis là ! rassemble cent-quarante autoportraits créés par une centaine d’artistes dans les six derniers siècles. Ce panorama est particulièrement diversifié puisqu’il inclut des œuvres sur des supports traditionnels et contemporains, des dessins intimistes aussi bien que des selfies publiés sur Internet, un autoportrait de Palma le Vieux et un autre d’Ai Weiwei. L’exposition est un événement trinational résultant de la coopération de trois grands musées européens : Musée des Beaux-Arts (Lyon), National Galleries of Scotland (Édimbourg) et Staatliche Kunsthalle (Karlsruhe). Le projet Je suis là . Visages d’Européens a été réalisé dans le cadre du programme Europe Créative développé par l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » avec le soutien financier de la Commission européenne. Ce nouveau programme de l’Union européenne visant à soutenir le secteur créatif et culturel en Europe couvre la période 2014 – 2020.
Les expositions présentées à Karlsruhe, Lyon et Édimbourg abordent le sujet différemment et se distinguent par des titres eux aussi légèrement différents. C’est dû au fait que chaque musée porte un regard sur les œuvres qui lui est propre, ainsi qu’aux contraintes spatiales dans chacun des établissements. On peut donc parler d’une exposition en trois versions distinctes, que le visiteur peut apprécier dans son intégralité grâce au présent site Internet, en trois langues (allemand, français, anglais).
Pia Müller-Tamm
Directrice de la Kunsthalle de Karlsruhe
« En tant que directrice du musée accueillant la première étape du projet Je suis là !, je vous souhaite la bienvenue sur ce site et à l’exposition présentée à Karlsruhe. La coopération avec nos partenaires de Lyon et Édimbourg nous a permis de composer pour vous ce panorama fascinant qui rassemble des autoportraits d’artistes reflétant cinq siècles de créativité européenne. Lorsque vous visiterez l’exposition dans vos pays respectifs, n’hésitez pas à intégrer cette galerie de portraits européenne par l’intermédiaire du projet artistique FLICK_EU. »
Sylvie Ramond
Conservateur en chef, Directeur du musée des Beaux-Arts de Lyon
« Bienvenue à tous! Chers visiteurs, nous sommes très heureux de joindre nos collections pour vous présenter le projet itinérant Je suis là !. Nous espérons que vous aurez plaisir à découvrir les œuvres d’art issues de nos trois musées à travers l’Europe et réunies pour cette exposition. Après Karlsruhe, nous vous donnons rendez-vous à Lyon. »
Sir John Leighton
Director General, National Galleries of Scotland
« Les National Galleries of Scotland sont très honorées de participer au projet Je suis là !. Visages d’Européens’ développé dans le cadre du programme Europe Créative. Ce projet va nous permettre d’explorer l’identité artistique des trois pays qui y participent lorsque l’exposition itinérante sera présentée à la Scottish National Portrait Gallery d’Édimbourg à l’été 2016. »
Les trois institutions qui participent à l’exposition itinérante présentée à Karlsruhe, Lyon et Édimbourg ont été fondées au XIXe siècle et comptent ainsi parmi les plus anciens musées de leur pays respectif. Leurs collections couvrent différents genres sur une période allant du début des Temps Modernes à l’époque contemporaine, et cela avec des chefs-d’œuvre de l’art européen aussi bien qu’avec des pièces moins connues dues à des artistes régionaux.
Musée des Beaux-Arts de Lyon
Bienvenue au musée des Beaux-Arts de Lyon. Créé en 1801, ce musée est installé dans une majestueuse abbaye royale bénédictine, édifiée dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Au centre du monument, l’ancien cloître est aujourd’hui un paisible jardin orné de sculptures (Rodin, Bourdelle). Tout autour, les salles du musée, réparties sur 7000 m2, présentent de riches collections d’Antiquités (Égypte, Proche et Moyen-Orient, Grèce et Rome), d’objets d’art (du Moyen Âge au XXe siècle), de monnaies et médailles (de l’Antiquité à nos jours), de sculptures (Chinard, Canova, Pradier), d’arts graphiques et de peintures anciennes (Le Pérugin, Véronèse, Rubens, Rembrandt), impressionnistes (Renoir, Monet, Van Gogh, Gauguin) et modernes (Picasso, Chagall, Matisse, Soulages). Le musée des Beaux-Arts de Lyon propose régulièrement de grandes expositions internationales et des activités culturelles à l’intention de tous les publics.
National Galleries of Scotland
Les National Galleries of Scotland comptent parmi les plus grands musées d’Europe. Cet établissement rassemble en fait trois musées différents : la Scottish National Gallery et sa remarquable collection de peinture européenne qui couvre la période allant de la Renaissance au Postimpressionnisme ; la Scottish National Portrait Gallery dont la collection se focalise sur les portraits (tableaux et photos) et divers objets d’intérêt socioculturel retraçant l’histoire du pays ; et la Scottish National Gallery of Modern Art qui présente l’art écossais et international depuis le début du XXe siècle, avec en particulier de nombreuses œuvres illustrant le Dadaïsme et le Surréalisme. Chacun de ces trois musées dispose de ses propres bâtiments et organise des expositions d’envergure internationale.
Dans quelle mesure chacune des collections de Karlsruhe, Lyon et Édimbourg participe-t-elle au projet commun ?
Dorit Schäfer, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe : La Kunsthalle de Karlsruhe y participe avec de remarquables tableaux néerlandais du XVIIe siècle. En ce qui concerne l’époque romantique, nous exposons quelques autoportraits à la fois subtils et expressifs, en particulier celui figurant les frères Winterhalter et celui peint par Anselm Feuerbach dans sa jeunesse. Citons enfin divers tableaux de la Nouvelle Objectivité, mouvement jadis très actif à Karlsruhe : les autoportraits de Georg Scholz, Wilhelm Schnarrenberger et Karl Hubbuch, caractérisés par une exécution à la fois froide et précise, devraient permettre de mieux faire connaître au public de Lyon et Édimbourg l’art moderne classique allemand.
Stéphane Paccoud, Musée des Beaux-Arts de Lyon : Le Musée des beaux-arts de Lyon a principalement sélectionné des autoportraits de maîtres anciens et du XIXe siècle. Sa collection d’art du XIXe, qui compte parmi les plus importantes au niveau national, inclut de nombreux tableaux de l’École de Lyon, très importante à cette époque. C’est d’ailleurs un autoportrait de Louis Janmot, un de ses représentants, qui a été choisi pour illustrer le poster de l’exposition à la Kunsthalle de Karlsruhe. Janmot — un élève d’Ingres — n’avait que dix-huit ans lorsqu’il peignit ce tableau en 1831. Cette œuvre achetée récemment par notre musée est typique de l’École de Lyon.
Imogen Gibbon, National Galleries of Scotland, Édimbourg : Les National Galleries of Scotland (NGS) participent au projet par l’intermédiaire de divers tableaux, dessins, photos, estampes, collages et sculptures sélectionnés parmi la collection du musée. La plus ancienne de ces œuvres date de 1510, la plus récente de 2012. Il s’agit pour la première d’un dessin à la craie noire de Palma le Vieux — un des peintres vénitiens les plus originaux du début du XVIe siècle — et pour la seconde d’une œuvre d’Angela Palmer intitulée « Brain of the Artist » — une sculpture composée de seize plaques de verre reproduisant les clichés d’un IRM du cerveau de l’artiste, cette image en trois dimensions semblant flotter dans la cage également en verre où elle est exposée. Notre contribution à l’exposition couvre ainsi une gamme particulièrement large.
Quelles difficultés particulières avez-vous rencontrées en préparant cette exposition ? Avez-vous eu des surprises ?
Dorit Schäfer, Karlsruhe : La coopération avec nos collègues d’Édimbourg et de Lyon était très enrichissante car elle a révélé des différences en ce qui concerne les perspectives et les méthodes de travail. L’exposition permet par ailleurs d’apprécier à Karlsruhe des œuvres rarement présentées au public allemand, telles que l’autoportrait de jeunesse incroyablement saisissant du Nazaréen Louis Janmot déjà évoqué, ou encore un tableau bizarre sur lequel Jean-Baptiste Frénet s’est représenté la tête posée sur la poitrine nue d’un personnage musclé peint par Michel-Ange dans la chapelle Sixtine. L’exposition nous a également permis d’élargir notre horizon en ce qui concerne la peinture britannique contemporaine, représentée par des tableaux de John Patrick Byrne, Ken Currie et Alison Watt qui se démarquent par rapport aux canons habituels de l’art contemporain international.
Stéphane Paccoud, Lyon : Pour notre part, nous avons hautement apprécié d’établir des contacts professionnels avec les autres établissements participant au projet et de comprendre ainsi leurs méthodes de travail respectives. Ce projet européen n’a été possible que grâce à cet échange d’informations et à la comparaison de nos différentes approches, ce qui nous a permis par contre-coup de découvrir des artistes méconnus dans les collections de nos partenaires — Découvertes que nous entendons partager avec les visiteurs de notre musée.
Imogen Gibbon, Édimbourg : Le plus difficile a été pour nous d’effectuer une sélection parmi les innombrables autoportraits présents dans la collection des NGS. Nous en possédons environ quatre cents et ne pouvions en exposer qu’une cinquantaine…
Le public est appelé à participer à cette exposition présentée à Karlsruhe, Lyon et Édimbourg. Pourquoi est-ce si important ?
Dorit Schäfer, Karlsruhe : L’autoportrait a quitté le domaine purement artistique avec la multiplication des selfies. Dès lors, il nous a semblé nécessaire d’inviter le public à participer à l’exposition de manière active, notamment par l’intermédiaire du concept Flick_EU et Flick_EU Mirror. Une cabine photographique installée à la Kunsthalle permet aux visiteurs de se prendre en photo, le cliché étant ensuite visible à trois endroits différents dans l’exposition. L’idée sous-jacente à cette réalisation interactive est de souligner d’une part le rôle de l’individu et sa tendance à se mettre en avant, d’autre part la dilution des autoportraits dans la masse des images numériques produites de nos jours. Prendre conscience de la prolifération des autoportraits sur les réseaux sociaux pourrait, par contre-coup, inciter le public à mieux apprécier la qualité des autoportraits « historiques ».
Stéphane Paccoud, Lyon : L’autoportrait est omniprésent dans notre environnement culturel depuis la généralisation des selfies. L’exposition entend mettre cette pratique contemporaine en relation avec d’autres époques de l’histoire de l’art de manière à jeter un éclairage nouveau sur le moi et sa représentation visuelle. Les visiteurs de l’exposition et de sa version virtuelle disponible sur Internet et les réseaux sociaux peuvent participer au projet en téléchargeant leurs selfies ou par l’intermédiaire de l’installation conçue par le ZKM. Cette participation active du public vient enrichir l’exposition, tout en renforçant les liens personnels des visiteurs avec les trois musées ayant développé le projet.
Imogen Gibbon, Édimbourg : Un autoportrait interpelle toujours la personne qui le regarde. Dans la mesure où ils participent à l’exposition par l’intermédiaire d’autoportraits photographiques, les visiteurs vont devoir répondre à différentes questions, tout comme ont dû le faire les artistes dont les œuvres sont exposées. L’autoportrait est un genre fluide au sens où il ne connaît pas de limites : né durant l’Antiquité, arrivé à maturité durant la Renaissance, il reste toujours d’actualité à notre époque pour une multitude de raisons. L’exposition offre au public des trois pays concernés l’occasion de participer à un nouveau chapitre de l’histoire de l’autoportrait et de se positionner ainsi dans un monde toujours plus vaste.
En savoir plus
Les textes suivants informent brièvement sur les œuvres de l’exposition partenaire.
Louis Janmot: Autoportrait, 1832
Cet autoportrait que Louis Janmot a peint à l’âge de dix-huit ans est la plus ancienne œuvre de l’artiste parvenue jusqu’à nous. Réalisée peu de temps après son entrée à l’École des Beaux-arts de Lyon, elle fut primée lors d’un concours interne. Le jeune peintre tient sa palette et son pinceau comme s’il allait tout juste commencer à peindre la toile que nous avons devant nous. Son expression résolue exprime son ambition alors qu’il se lance dans la carrière artistique. L’intensité du regard semble pour sa part renvoyer à un thème prisé à l’époque romantique : l’artiste génial capable de créer spontanément.
Annie Lennox, Allan Martin: Autoportrait, 2003
Célèbre en tant que chanteuse et pour ses prises de position sur des problématiques sociétales, Annie Lennox a souvent posé pour des photographes et joué dans des films. La photo exposée ici a été prise en même temps que celle figurant sur la couverture de Bare, son troisième album solo sorti en 2003. Ces deux clichés figurant un personnage hors du temps, de sexe indéterminé et d’origine ethnique difficilement identifiable ont été réalisés en collaboration avec le graphiste Allan Martin, ami de longue date de la chanteuse. La peau recouverte de craie ou d’agile blanche, Annie Lennox prend ici une apparence sculpturale, fantomatique et synthétique encore renforcée par ses sourcils collés, tandis que le bandeau de tartan qu’elle porte autour du cou évoque ses origines écossaises.
Andy Warhol: Autoportrait avec perruque hérissée, 1986
Andy Warhol est une icône de l’art moderne et les portraits le représentant ne sont pas les moins légendaires de ses œuvres. Préoccupé par son apparence durant toute sa vie, il commença de porter une perruque argentée au début des années 1960, cette coiffure devant devenir avec le temps un élément constitutif de sa personnalité. Les autoportraits prirent une place importante dans son œuvre après que ses tableaux pop-art eurent rencontré le succès. Ceux datant des années 1960 sont des sérigraphies sur toile réalisées à partir de clichés pris dans des cabines photographiques. Quant à eux des années 1980, ils se basent sur des polaroids. Les quatre autoportraits présentés ici soulignent l’importance du maquillage, des perruques et du jeu de rôle dans l’œuvre de Warhol. Nul doute qu’il serait le roi du selfie s’il était encore en vie de nos jours.
Anselm Feuerbach: Autoportrait de l’artiste dans sa jeunesse, 1851/52
Les nombreux autoportraits qu’Anselm Feuerbach nous a laissés illustrent un narcissisme à la limite du supportable. La toile présentée ici s’inspire des autoportraits de Rembrandt que Feuerbach étudia en détail durant sa jeunesse. On a souvent avancé que l’intensité du regard de l’artiste exprimait la façon critique qu’il avait d’observer sa propre physionomie dans un miroir. Outre l’introspection, cet autoportrait rend également compte d’une mise en scène encore renforcée par un éclairage théâtral au gaz qui confère à l’artiste un aspect quelque peu démoniaque. Avec ce pathétisme, Feuerbach entendait souligner sa personnalité — caractérisée selon lui par le génie.
Simon Vouet: Autoportrait, vers 1626
Cet autoportrait de Simon Vouet brille par sa vivacité. Une expression d’une intensité particulière se dégage du visage finement modelé aux yeux cernés et à la bouche légèrement ouverte. La représentation en buste, avec des habits et un arrière-plan tout juste esquissés, renforce encore la puissance expressive du personnage. On ignore si Vouet a peint cette œuvre durant son séjour de quinze ans en Italie ou après son retour en France en 1627. Nommé Premier peintre de Louis XIII dans le courant de la même année, il réalisa ultérieurement un grand nombre de tableaux de prestige à la demande du roi.
Hans Thoma: Autoportrait avec l’Amour et la Mort, 1875
Cette toile d’Hans Thoma évoque immanquablement l’Autoportrait avec la Mort jouant du violon peint par Arnold Böcklin en 1872 et conservé à l’Alte Nationalgalerie de Berlin. La composition est néanmoins sensiblement différente : la couronne de lauriers dont la Mort est coiffée pose la question de l’immortalité de la gloire des artistes ; l’Amour a pris les traits de Cella Bertenender, dont Thoma venait de faire la connaissance et qu’il devait épouser peu de temps après, ce qui éradique le caractère dramatique et démoniaque du tableau de Böcklin ; Thoma, enfin, s’est certes représenté entre un enfant et un squelette, c’est-à-dire entre la vie et la mort, mais il l’a fait avec la certitude que « l’amour triomphe de tout » (Amor vincit omnia).
Ernst Ludwig Kirchner: Le peintre (Autoportrait), 1920
Ernst Ludwig Kirchner a peint de nombreux autoportraits tout au long de sa carrière. Diverses linogravures, dont le caractère plat rappelle la technique du papier découpé, illustrent la phase durant laquelle l’artiste a cherché à faire une synthèse de plusieurs influences. Leur style se caractérise par des teintes bleues et jaunes tendrement lumineuses dont la superposition donne des aplats verts. Ces estampes n’ont été tirées qu’à quelques exemplaires afin de leur préserver une rareté proche de l’unicité des toiles. Kirchner fut confronté à de graves problèmes de santé à partir de la Première Guerre mondiale. Des crises d’angoisse renforcées par l’addiction aux médicaments lui firent craindre de perdre sa créativité, crainte qu’il chercha à exprimer dans plusieurs autoportraits. Le tableau présenté ici le représente dans le petit atelier de sa maison de Davos, en Suisse, où il avait trouvé refuge en espérant guérir de ses angoisses et où il demeura jusqu’à son suicide en 1938.
Gustave Courbet: Les Amants dans la campagne, 1844
Gustave Courbet a peint une vingtaine d’autoportraits entre 1842 et 1855. Ils lui ont permis de se mettre en scène en construisant son image, se présentant tantôt sous les traits d’un génie solitaire et méconnu dans la grande tradition romantique, tantôt comme un peintre de province faisant peu de cas des convenances. Sur la toile exposée ici, Courbet s’est représenté en compagnie de Virginie Binet, sa maîtresse de l’époque, qui devait le quitter en 1852. Il ne donna son titre à l’œuvre qu’en 1855, probablement en souvenir d’un bonheur évanoui.
Antoine Duclaux: Halte des artistes lyonnais à l’île Barbe, 1824
Ce tableau est considéré comme étant le chef-d’œuvre d’Antoine Duclaux. Exposé au Salon de 1824, il s’imposa littéralement comme le manifeste de l’École de Lyon. Le personnage coiffé d’un haut-de-forme qu’on aperçoit au centre de la composition est Fleury François Richard (cat. 31–33), le mentor de Duclaux, victime d’une intrigue tissée par son rival Pierre Révoil (cat. 30) qui lui coûta son poste de professeur à l’école des beaux-arts de Lyon. Autour de lui sont regroupés ses élèves les plus doués, ceux-là même que les critiques devaient regrouper en 1819 sous le terme « École de Lyon ». De gauche à droite : le sculpteur Jean-François Legendre-Héral, les peintres Augustin Thierriat, Michel Genod, Anthelme Trimolet, Jean-Marie Jacomin, Étienne Rey, Claude Bonnefond (cat. 42) et Hector Reverchon.
Rembrandt Harmensz van Rijn: Autoportrait, vers 1645/48
On pourrait penser que l’expression abattue qu’on lit sur le visage de Rembrandt reflète la crise profonde que le peintre dut traverser, tant dans sa carrière que dans sa vie privée, après la mort de Saskia, sa femme adorée, en 1642. Néanmoins, en peignant cet autoportrait, l’artiste a moins cherché à analyser son chagrin qu’à créer une œuvre émouvante qui pourrait se vendre facilement. Au XVIIe siècle en effet, les autoportraits quittaient la sphère privée dès qu’ils étaient achetés par des amateurs fortunés. Ceux de Rembrandt se caractérisent par un visage qui rend les émotions en forçant le trait, ainsi que par des habits qui soulignent le caractère théâtral du tableau. Le chef-d’œuvre exposé ici illustre dans quelle mesure le maître excelle à unifier des zones à la finition différente : alors que le visage est modelé avec une grande précision, le manteau est tout juste esquissé et son rendu semble inachevé.
Sarah Lucas: Autoportrait avec des œufs au plat, 1996
Les portraits d’hommes et de femmes que donne Sarah Lucas se caractérisent par un humour iconoclaste et un style familier voire populaire qui vise à démonter les convenances et les stéréotypes sexuels. Sur le premier des autoportraits présentés ici, l’artiste prend une pose de macho provocante, tandis que les œufs au plat posés sur ses seins évoquent de manière parodique la connotation sexuelle de l’œuf. Dans Autoportrait avec un crâne, Lucas semble vouloir établir un rapport entre son sexe et la mort, suscitant ainsi des pulsions à la fois libidineuses et morbides. Dans Got a Salmon On #3, enfin, elle s’est représentée devant des toilettes publiques avec un gigantesque saumon sur l’épaule, cette composition renvoyant à une expression de l’argot londonien qui établit un lien entre poisson et érection.
Joseph Vivien: Autoportrait à la palette, vers 1715
Le peintre historique Joseph Vivien s’est représenté le bras posé sur un carton à dessin et une palette, le doigt pointé vers ses pinceaux. Un regard direct et un sourire tout juste esquissé témoignent de sa fierté, tandis que le torse bombé exprime la résolution. Après avoir été formé à Paris, Vivien fut nommé Premier peintre à la cour de Maximilien-Emmanuel, Électeur de Bavière. Il a peint cette toile alors qu’il était au faîte de sa carrière. On aperçoit à l’arrière-plan une esquisse de son œuvre la plus remarquable : Allégorie de la réunion de l’Électeur Maximilien-Emmanuel de Bavière et de sa famille en 1715. Ce tableau monumental dont la réalisation dura de 1715 à 1733, aujourd’hui conservé à la Staatsgalerie Schleissheim, commémore la signature du traité de Rastatt qui mit fin à la guerre de Succession d’Espagne le 7 mars 1714.
Michel Dumas: Autoportrait, vers 1838
Michel Dumas compte parmi les nombreux artistes lyonnais ayant débuté leur formation dans l’atelier de Jean Auguste Dominique Ingres. Il porte ici un bonnet de peintre qui contraste avec son habit élégant qui n’est assurément pas un habit de travail. On aperçoit à l’arrière-plan le verso d’un tableau qui pourrait être Abraham renvoyant Agar, toile datant de 1838 qui connut un grand succès. Cette supposition s’appuie sur le fait que le premier propriétaire de l’autoportrait de Dumas et d’Abraham renvoyant Agar fut Lodoïx Monnier, collectionneur lyonnais qui apporta au peintre un soutien sans faille.
Vincenzo Campi: Les Mangeurs de ricotta, vers 1580
On connaît six autres versions des Mangeurs de ricotta, mais seule celle présentée ici est due à Vincenzo Campi. L’artiste s’y est représenté au centre de la composition, entouré de personnages hilares. Ce faisant, il s’affirme à la fois comme un bon vivant et comme un philosophe car, bien qu’il célèbre les bons côtés de la vie, il nous rappelle le caractère inéluctable de la mort en conférant au morceau de ricotta sur lequel une mouche s’est posée l’aspect d’un crâne, et cela par l’intermédiaire des trous que les mangeurs y ont pratiqués. Ce tableau qui invite à savourer l’existence présente ainsi les caractéristiques d’un genre pictural traditionnel : les vanités.
John Byrne: John Patrick Byrne (Autoportrait avec une veste à fleurs), 1971–1973
Avec cet autoportrait de style naïf, le peintre et écrivain John Byrne entendait rendre hommage à un outsider parmi les peintres modernes qu’il admire tout particulièrement : Henri Rousseau. L’œuvre, réalisée après que Byrne eut effectué un voyage aux États-Unis, n’est toutefois pas sans refléter l’esthétique du Flower Power et la fascination de l’artiste pour la lumière des films californiens. Les nombreux autoportraits que Byrne a peints durant sa carrière sont très différents les uns des autres, témoignant ainsi d’une identité en constante évolution : les changements de forme, d’habits, d’expression et de contexte confèrent à ces œuvres un caractère tantôt humoristique, tantôt tragique.
Robert Henderson Blyth: Existence incertaine, 1946
Durant la Seconde Guerre mondiale, Robert Henderson Blyth a servi comme infirmier de l’armée britannique en France, en Belgique et aux Pays-Bas. Ce qu’il a vécu pendant ces quatre années se reflète dans nombre de ses œuvres, caractérisées par une atmosphère sombre et peuplées de personnages figés dans des paysages désolés. Tel est notamment le cas de l’autoportrait exposé ici, sur lequel Blyth s’est représenté au centre d’un paysage enneigé et dévasté, avec derrière lui un soldat effondré. Par le regard bleu et froid qu’il lève vers nous, l’artiste semble vouloir nous interpeller.