Ici s’affrontent le vainqueur et le vaincu. À droite, un sphinx captif est transporté dans une cage. Les deux autres sphinx le regardent victorieusement depuis l’arc de triomphe. À leurs côtés brillent les couleurs rouge, blanc et bleu des Pays-Bas.

L’Arsenal de l’Antiquité présente des accessoires ambigus. Au premier plan, un casque et une épée : les combats semblent avoir pris fin. Derrière, le marbre blanc d’un temple méditerranéen brille devant la mer bleue : un décor nostalgique, et l’espoir de retrouver une époque plus civilisée.

Le Transport du Sphinx de Beckmann fait allusion à des événements concrets. Deux figures de sphinx montaient la garde à l’entrée du parc Wertheim, à Amsterdam. Les statues disparurent pendant la Seconde Guerre mondiale et le parc, qui portait le nom d’un mécène juif, fut rebaptisé Parc Tuin (c’est-à-dire « parc-jardin »). L’inscription de Beckmann sur la porte du sphinx pourrait en être un indice.

Mais un sphinx ne laisse pas son énigme se résoudre aussi facilement. Le tableau mélange la situation personnelle de Beckmann, la politique actuelle et les mythes ancestraux. Les griffes du sphinx enfermé dans la cage sont tachées de sang. C’est une créature dangereuse. L’œuvre ambigüe de Max Beckmann évoque ainsi la question de la culpabilité et de l’expiation.